• La Bretagne : une culture, une âme

    Un voyage, une découverte :

    Je suis arrivé en Bretagne à la fin du mois de Juillet 1985. J’ai séjourné à Rennes durant vingt-trois ans. Mes fonctions au sein de deux directions du Rectorat m’ont permis de découvrir la géographie, l’art et l’histoire de la région. J’ai également multiplié les contacts avec les deux régions limitrophes.

    Durant la première partie de mon existence, j’ai eu la triple chance de naître au pied de l’observatoire du pic du midi de Bigorre, d’avoir un père poète et de suivre des études supérieures d’histoire.

    Plus tard, la Bretagne m’a aidé à me construire, à réfléchir sur ma condition d’homme. Non seulement j’y ai trouvé les outils spéculatifs utiles à cette entreprise mais j’y ai surtout rencontré des hommes et des femmes qui m’ont aidé à tracer mon chemin.

    Les années se sont écoulées.

    Albert Schweitzer écrivait que « la seule possibilité de donner un sens à son existence, c'est d’élever sa relation naturelle avec le monde à la hauteur d'une relation spirituelle. »

    Comment redonner à ce pays ce qu’il m’avait offert ? J’ai pensé au livre de Jean Olibo, Bretagne mienne. « Le ciel est profondément azuré et pur et net... », écrit-il, « Il se confond étrangement dans le lointain avec le bleu limpide et doux de l'océan. L'homme devant cette immensité et cette grandeur est d'abord bouleversé... Il sait que cette immensité, cette grandeur, faites de puissance souveraine et irrésistible, mais aussi de douceur et de beauté, sont l'oeuvre de plus fort que lui. »

    J'ai regardé l'océan, j'ai contemplé le ciel profond ; puis, j’ai pris la plume.

    A chaque étape du récit, surgissent les principes de pensée propres à la Bretagne et son âme aussi. Mais pas seulement... Je décris dans ce texte la fontaine de Barenton, les forêts de Brocéliande et de Landerneau, les châteaux de Nantes, Vitré et Fougères et les remparts de Dinan.

    Nous y retrouverons aussi des druides et des marins, hommes fiers et droits.

    Enfin, je fais d’un prince korrigan la conscience d’une communauté, le gardien d’une tradition et l’un des personnages principaux de l’histoire.

    Je n’ai pas écrit un ouvrage sur la Bretagne. Par contre, le reflet de son âme transparaît de façon récurrente à travers mes écrits.

    Le respect des origines

    L’empreinte de la culture bretonne est perceptible dès le premier chapitre. La Bretagne est riche de souvenirs et d’impressions poétiques, de contes et de légendes. J’ai saisi le tout avec prudence et mesure. J’ai lu, commenté et laissé mon imagination faire le reste.

    Le personnage principal du roman affranchira Takan, prince korrigan, du joug de ses oppresseurs. L’évènement se produira à proximité de la fontaine de Barenton (premier hommage à Chrétien de Troyes). Ici point de « chevalier noir ». Les gardiens du lieu sont des créatures humanoïdes, moitié lutin, moitié lilliputien (hommage à Jonathan Swift).

    Mog-Ruith était un druide puissant, héros du siège de Druim Damhgaire. Ici, Gutuater-Mog-Ruith est un devin, « conseiller écouté » du roi (Référence : Dictionnaire des symboles - Jean Chevalier /Alain Gheerbrant - Robert Laffont/Jupiter - 1982 article « druide ».)

    Je connaissais la légende de Karidwen. Dans mon roman, les protagonistes ont d’autres noms et d’autres fonctions. Karidwen devient Gwynvryn (Y Gwynvryn : La Colline blanche ; mais aussi, Gwenn : le blanc, la lumière, le Lucifer féminin [nous y reviendrons]), Takan joue le rôle de Guyon (le nain, à mettre en relation avec Alberich, chef des Nibelungen) et le barbe Taliesin peut être identifié au druide Thélieusin. Je ne me suis pas permis d’exposer à nouveau la légende de Karidwen. Par contre, dans ce conte, vous trouverez au détour d’un chemin la recherche de l’équilibre de l’homme, appelée bonheur par certains, la quête de la femme et celle de l’autre monde (l’imaginaire et parfois la mort).

    L’Ankou n’est pas la mort, mais son serviteur. La Mort est un personnage du roman. Pour la décrire, je fais référence à la gravure de Dürer intitulée Le Chevalier, la Mort et le Diable. Elle devient l’amante d’un roi. Ce chevalier, souverain d’un royaume en perdition, répond au nom de Mithra (référence au culte taurobolique d’origine indo-iranienne. Celui qui veut se sacrifier à sa place sur le champ de bataille répond au nom d’Aldébaran [alpha Tauri]). Au début de l’histoire, la Mort est l’alliée de Lucifer (Référence : Le Musée Hermétique : Alchimie et Mystique - Alexander Roob - Taschen - 1996/7 - Page 177 « la mort escorte le tentateur jusqu’à la terre et lui ouvre une large voie… à travers les sombres abîmes. »). Dans ce texte, le lecteur ignore qui se cache derrière le mot « tentateur » (histoire tragique des sept cités). Est-ce Lucifer ou bien Ahra Mainyu (voir page précédente) ? Qui est le diable ? Y-a-t-il un diable ?

    Par contre, nous découvrirons que la Mort a un serviteur, comme le diable, d’ailleurs…

    Tout au long du récit, je manie des idées, du paradoxe, du symbole. Je préconise la fidélité au réel sans jamais ignorer l’ensemble des caractères spécifiques de la nature humaine, la beauté de la nature et bien sûr celle du Cosmos. M’étonnant de voir les auteurs de fantasy dupliquer à l’infini les modèles trouvés dans la littérature anglo-saxonne, j’ai opéré d’une manière différente. Je me suis plutôt inspiré de l’œuvre de Chrétien de Troyes pour décrire le monde qui nous entoure et évoquer l’exaltation du dépassement de soi. Car il était essentiel de traiter ce thème avant d’aborder la suite de l’histoire.